Soirée, ce moment quand le jour bascule en nuit

 

Soirée, ce moment quand le jour bascule en nuit

J’aime ce moment de la journée où tout semble suspendu. Ce moment fragile, presque imperceptible, où le jour bascule lentement vers la nuit. Le ciel n’est plus vraiment bleu, mais pas encore noir. Il se pare de nuances incertaines, comme s’il hésitait à tirer le rideau. Un bleu profond, lavé de lumière, tirant parfois vers le violet, l’ocre ou le gris. Un ciel de transition, d’entre-deux, qui ne dit plus l’heure exacte.

C’est un passage secret. Une porte entrouverte entre deux mondes.

Le monde du jour, avec son vacarme, son tumulte, ses obligations, ses courses et ses voix pressées, s’éteint doucement. Il bâille, s’étire, ferme les volets. Le monde de la nuit, lui, entrouvre ses paupières. Les lampadaires s’allument un à un comme des lucioles urbaines. Les rues deviennent floues, les contours se dissolvent dans une lumière plus douce, plus ronde. Il ne fait pas encore nuit, mais les ombres s’allongent, et le silence commence à prendre plus de place.

Il y a dans cette bascule une grâce tranquille, une élégance discrète. Le soleil, dans un dernier souffle, glisse vers d’autres contrées pour aller les illuminer à leur tour. Ici, il laisse derrière lui une lumière tiède, dorée, presque liquide, qui caresse les murs, les feuillages, les visages encore tournés vers l’ouest. C’est une lumière qui ne dure que quelques minutes, parfois moins, mais que l’on reconnaît toujours. Une lumière mélancolique, comme un au revoir.

 Il y a un calme étrange, juste avant que la frénésie nocturne ne prenne le relais. Car la nuit a sa propre vie, son propre rythme, ses habitants.

C’est à cette heure-là que les rêves se préparent, que les souvenirs reviennent, que les pensées vagabondent. Certains allument une bougie, d’autres ferment les volets. On cuisine lentement, on ralentit. On regarde une dernière fois dehors, juste pour voir ce qu’il reste de la lumière. Ce moment-là n’est jamais vraiment le même, mais il provoque toujours le même effet : un sentiment de paix mêlé d’attente. Une douce nostalgie de ce qui vient de s’achever, et une curiosité tranquille pour ce qui va commencer.

Alors que le ciel s’assombrit peu à peu, la ville change de visage. Les fenêtres s’illuminent, les pas deviennent plus rares. Bientôt, la nuit sera là, entière, avec ses mystères, ses confidences, ses silences épais. Mais juste avant qu’elle ne prenne toute la place, il y a cet instant suspendu — celui que j’aime tant.

Ce moment où le monde se retourne dans son sommeil, où la lumière s’efface sans bruit, où l’on peut presque entendre le jour dire « à demain ».

Ce billet participe au Projet 52 organisé par Du côté de chez Ma. Plus d'infos  ici